Le carrier. Ar piker maen. Ar mengleuzier.

 

 

Le carrier extrait de la pierre. D'ailleurs, un ancien nom de ce métier était perrieur, celui qui travaille dans les perrières. Mais, des pierres, il en existe de nombreuses sortes et le travail ne sera pas le même si l'on exploite le granit de l'Ile Grande, la Kersantite de Loperhet ou l'ardoise de Maël-Carhaix.

Les ardoisiers.

Tout carrier d'ardoise vous le dira, pour qu'elle soit de bonne qualité, il faut de l'eau.

E lec'h n'eus ket dour, n'eus ket to

Où il n'y a pas d'eau, il n'y a pas d'ardoise.

Pendant longtemps, les carrières étaient à ciel ouvert, mais elles furent peu à peu abandonnées au profit des carrières souterraines. Pour accéder au lieu d'exploitation (la chambre) il fallait forer une galerie ou un puits, puis on exploitait l'ardoise soit en descendant (en creusant vers le bas) soit en remontant (on abat la roche vers le haut).

Les blocs étaient découpés au coin et à la masse. Petit à petit d'autre méthodes apparaîtront: la poudre noire et le marteau piqueur.

Il fallait ensuite remonter ces blocs à la surface. Cela se faisait à dos d'homme au XIXème. Certaines mines, par la suite se moderniseront et on utilisera la force mécanique pour hisser la roche.

Les blocs, en haut, sont pris en charge par les fendeurs. Il faut d'abord querner (diviser le bloc) pour en faire des repartons (spartoniou) de 6 à 8 centimètres d'épaisseur. Ceux-ci sont stockés, abrités sous des fougères ou des déchets d'ardoise et régulièrement arrosés. Souvenez-vous: pas d'ardoise sans eau! Sinon elle devient très difficile à fendre. Cette dernière opération se fait à l'aide d'un ciseau (ar gizell) et un maillet (ar morzel) et permet d'obtenir des ardoises de 3 millimètres d'épaisseur. Celles-ci sont ensuite retaillées à dimension à l'aide d'une sorte de massicot. C'est le rondissage.

Les granitiers.

Comme le granit affleure en Bretagne, les carrières étaient à l'air libre. Il fallait parfois nettoyer le terrain et enlever l'arène granitique (la roche pourrie) pour attaquer le front de taille.

La méthode la plus ancienne consistait à enfoncer dans les diaclases (les fissures naturelles) des coins de bois et à les mouiller afin qu'ils gonflent et fassent éclater la roche. A l'Ile Grande on profitait de la marée pour que ces coins soient immergés.

S'il n'y avait pas de diaclases, les carriers foraient des trous espacés d'une dizaine de centimètres et profonds de dix à douze centimètres dans lesquels ils enfonçaient leurs coins de bois. Mais le résultat n'était pas toujours garanti.

Alors, les carriers se sont mis à utiliser des coins en fer sur lesquels ils frappaient pour détacher les blocs. Seul un carrier expérimenté pouvait déceler la bonne ligne, le fil, pour que la cassure soit bonne.

Au début du XXème on commencera à utiliser la poudre noire tassée dans des trous d'environ un mètre cinquante de profondeur. Mais ce procédé ne résoudra pas tout car, en plus d'être très dangereux, il abimait la pierre et donnait beaucoup de déchets.

Le bloc devait être ensuite fendu selon le même procédé (trous forés et coins de fer) et les morceaux ainsi obtenus étaient déplacés pour être taillés.

Les conditions de travail.

Le travail de carrier est très physique et difficile.

Les "mousses", surnom que l'on donnait aux apprentis, apprenaient le métier sur le tas et ce, dès l'âge de 13-14 ans, voire même plus tôt. Même si les adultes étaient bienveillants, (les jeunes étaient pratiquement tous fils de carrier), ces quelques années étaient rudes pour les apprentis.

Pratiquement dans toutes les carrières, à la fin de l'apprentissage, avait lieu un "baptême" au cours duquel le jeune recevait un surnom qu'il garderait toute sa vie. Les journées étaient longues : 12 heures en moyenne au début du XXème siècle et les accidents fréquents: blocs qui se détachent, éclats dans les yeux...

Pour se protéger les pieds, les carriers chaussaient de lourds sabots de bois (vri moc'h, à têtet de cochon) dont le dessous était garni de gros clous (tachoù botoù) pour éviter de glisser.

A cela, il faut rajouter les risques de silicose, le bruit des machines, l'humidité et le manque de lumière dans les carrières d'ardoise. Il n'est donc pas étonnant que l'espérance de vie de ces hommes ait été l'une des plus faibles du monde ouvrier.

Il n'empêche. Les carriers étaient fiers de leur métier et considéraient avec un rien de mépris les "coupeurs de vers", (les cultivateurs).