Le Lin (et le chanvre)

 

Deux plantes ont été essentiellement cultivées pour leurs fibres textiles en Bretagne: le lin et le chanvre.

 

Le chanvre, plante moins exigeante, était cultivée partout. Dans toutes les fermes on trouvait un courtil à chanvre (liorz ganap) dans lequel on produisait la plante qui donnerait le fil destiné à l'usage familial: vêtements, draps, linge de maison.

Certaines régions utiliseront le chanvre pour d'autres usages:

            Les toiles d'emballage

            Les voiles: Vitré et Locronan exportaient beaucoup vers l'Espagne.

            Les cordages.

 

Le lin, quant à lui, sert à fabriquer des toiles plus fines, destinées aux vêtements, au linge de table ou d'église.

Mais c'est une plante beaucoup plus exigeante, il lui faut de meilleures terres, c'est pourquoi des régions se sont spécialisées dans cette culture, le Trégor  par exemple.

 

Comment passe -t-on de la graine à la toile? Nous allons vous présenter les différentes étapes. Nous avons choisi de parler du lin, mais il faut savoir que les traitements étaient pratiquement les mêmes pour le chanvre.

 

Semer.

 

La graine de lin venait des pays baltes. Pourquoi aller chercher si loin?

            Les graines du nord donnaient des tiges plus longues.

            Au bout de 2 à 3 ans, il se produisait une dégénérescence.

Le port d'importation était Roscoff, il recevait des bateaux venant de Libau, Koenisgberg, Riga, Memel... Les barils de graines étaient ensuite redistribués vers Morlaix, Tréguier, Pontrieux...

 

Nous l'avons dit, le lin a besoin d'une terre riche. Mais il faut aussi qu'elle soit à bonne température, qu'elle se soit réchauffée. Il faut donc attendre fin Mars, début Avril.

Da ouel Sant Joseph pe Sant Beneat

Gounit ar panez hag al lin mat.

A la St Joseph ou à la St Benoit,

Semez les panais ou le bon lin.

 

Un autre dicton précise que :

Arri éo ar goukouk er vro

Poent éo hadan al lin ar c'hanabo

Le coucou est arrivé au pays

Il est temps de semer le lin et le chanvre.

 

Mais toutes les dates ne sont pas favorables. En Haute Bretagne on ne semait jamais le lin à la St Marc, jour réputé néfaste.

 

Le lin pousse rapidement:

Al lin a-benn ur miz

Keit hag ur biz

Le lin au bout d'un mois

A la taille d'un doigt.

 

L'arrachage se faisait vers la mi-Juillet. (de fin Juillet à fin Août pour le chanvre). En Haute Bretagne on disait:

Il faut chanter en le cueillissant

Sans quoi les filandières s'endorment en le filant.

Et l'une de ces chansons d'arrachage disait:

J'ai encore à vendre

Qu'as-tu encore à vendre

C'est la coueffe à Jânne

Elle est vendue, l'argent reçu

(tous)

Hélas, ma mère!

J'ai cor cinq sous pour bouère.

 

Le rouissage. (Ogan)

 

Le but de cette opération est d'enlever les gommes et les résines qui lient les fibres. On le pratiquait de deux manières:

            Sur le champ (à la rosée). Le lin était étalé sur une prairie et retourné régulièrement afin qu'il ne pourrisse pas.

            Dans les routoirs, doués, le lin est immergé, retenu par des planches sur lesquelles on posait des cailloux. On le faisait ensuite sécher et il était stocké dans les granges.

Il arrivait parfois que les paysans rouissent le lin dans les rivières, malgré l'interdiction qui en était faite. En effet, cela occasionnait une pollution qui tuait les poissons.

 

De la plante au fil.

 

Il fallait d'abord égrener le lin (ranvellat lin) à l'aide d'un grand peigne à dents de fer, le seran (ranvell). On grougeait le lin disait-on en Haute Bretagne. Il faut signaler que cette opération pouvait parfois être faite avant le rouissage.

Les capsules bien séchées étaient étalées en une couche d'une vingtaine de centimètres d'épaisseur sur laquelle on dansait pour enlever la cosse. Il se dégageait de l'opération un impressionnant nuage de poussière. Les danseurs en étaient recouverts!

 

Il fallait ensuite séparer la filasse de la partie ligneuse. Les tiges étaient donc passées dans une broie (brae en breton, braye en gallo). C'est une sorte de poutre, rainurée, sur pattes, dans laquelle vient s'encastrer une lame de bois mobile. Toute l'habileté consiste à casser la partie dure sans abîmer les fibres. Pour dessécher au mieux le chanvre avant de le broyer, on le passait parfois dans le four après la cuisson du pain.

Ce travail était souvent effectué lors des veillées.

 Ensuite: le pesselage. Pour enlever les résidus de chènevotte on frotte la filasse sur une planche fixée dans un banc.

 Enfin le bressage (ou peignage). Pour enlever les dernières impuretés et aligner les fibres on les passe dans deux brosses à dents métalliques, la grande et la petite bresses.

 La filasse est alors prête à être filée.

 

Le filage.

 

Les filandières pouvaient procéder à l'aide de deux outils:

            Soit en utilisant une quenouille sur laquelle étaient maintenues les fibres non encore filées. Les filandières tiraient délicatement la filasse qui venait s'enrouler sur un fuseau auquel elles avaient donné un mouvement de rotation.

            Soit à l'aide d'un rouet. Les premiers utilisés avaient une grande roue. Par la suite celle-ci diminua et on ajouta une pédale au rouet.

 

Le fil ainsi obtenu pouvait être utilisé tel quel par le tisserand ou blanchi préalablement (dans le Léon par exemple).